Le secteur des transports est un contributeur majeur aux émissions de gaz à effet de serre (GES), représentant environ 23% des émissions mondiales. La transition vers une mobilité décarbonée est cruciale pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris. Si les véhicules électriques et les biocarburants offrent des solutions partielles, ils ne suffisent pas à répondre aux besoins de tous les secteurs, notamment l'aviation et le transport maritime. Les carburants synthétiques, produits à partir d'énergies renouvelables, apparaissent comme une technologie prometteuse pour décarboner ces secteurs difficiles à électrifier.

Les différents types de carburants synthétiques

Le terme "carburants synthétiques" englobe une famille de combustibles produits à partir de sources d'énergie renouvelables via des processus électrochimiques regroupés sous le terme "Power-to-X". Ces processus utilisent l'électricité produite par des sources renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique) pour synthétiser des carburants liquides ou gazeux. Les e-fuels constituent la catégorie la plus avancée.

E-fuels (e-carburants) : une solution pour les transports difficiles à décarboner

Les e-fuels, ou carburants électroniques, sont synthétisés à partir d'hydrogène produit par électrolyse de l'eau et de dioxyde de carbone (CO2), souvent capté directement de l'atmosphère ou issu de sources industrielles. Ce processus, gourmand en énergie renouvelable, permet de produire des carburants liquides comme le méthanol, l'éthanol, et surtout le kérosène synthétique, crucial pour le secteur aérien. L’efficacité de la conversion d’énergie électrique en carburant liquide est un facteur clé, et varie en fonction du type de carburant produit et de la technologie utilisée. L'efficacité globale se situe actuellement entre 50 et 70%, ce qui représente un défi d'optimisation majeur.

  • Avantages : Compatibilité avec les infrastructures existantes (moteurs, réservoirs, etc.), haute densité énergétique, potentiel de décarbonation quasi-total si l'électricité est 100% renouvelable.
  • Inconvénients : Coût de production actuellement élevé (estimé à 2 à 5 €/litre en 2023, contre 0.5 à 1 €/litre pour les carburants fossiles), consommation énergétique significative du processus de production (impact sur le rendement énergétique global), dépendance à la disponibilité d’une électricité renouvelable abondante et à un prix compétitif.

Power-to-x : diversification des options de carburants synthétiques

Au-delà des e-fuels, la technologie Power-to-X ouvre la voie à la production d'autres carburants synthétiques. Le méthane synthétique (Power-to-Gas), produit par la réaction de l'hydrogène avec le CO2, offre une solution de stockage énergétique à long terme et une compatibilité avec les réseaux de gaz existants. L'ammoniac synthétique (Power-to-Ammonia), quant à lui, présente une densité énergétique élevée, facilitant son transport et son stockage. Ces différentes options permettent d'adapter la production de carburants aux besoins spécifiques de chaque secteur.

  • Méthane synthétique (Power-to-Gas) : Avantages: stockage aisé, intégration aux réseaux existants. Inconvénients: rendement énergétique plus faible que les e-fuels, émissions de méthane (un puissant GES) potentielles si des fuites se produisent dans les infrastructures.
  • Ammoniaque synthétique (Power-to-Ammonia) : Avantages: haute densité énergétique, transport et stockage facilités. Inconvénients: nécessite une conversion avant utilisation comme carburant (ajout de complexité et de coût), potentiel d'émissions de NOx pendant la conversion.

Le choix du type de carburant synthétique dépendra des applications ciblées (transport routier, aérien, maritime, chauffage) et des contraintes techniques et économiques spécifiques à chaque secteur.

Analyse du cycle de vie et impact environnemental

Une analyse complète du cycle de vie (ACV) est essentielle pour évaluer l'impact environnemental des carburants synthétiques. Pour le kérosène synthétique, par exemple, une ACV doit prendre en compte l'empreinte carbone liée à la production d’électricité renouvelable, l'extraction et le traitement des matières premières (eau, CO2), le processus de synthèse lui-même, le transport et la distribution du carburant. Une étude récente estime l'empreinte carbone du kérosène synthétique à environ 35g de CO2e/MJ, comparativement à 300g de CO2e/MJ pour le kérosène fossile. Toutefois, cette valeur varie fortement en fonction du mix énergétique utilisé pour produire l'électricité et de l'efficacité du processus de capture du CO2.

Au-delà de l'empreinte carbone, l'ACV doit considérer d'autres impacts environnementaux, tels que la consommation d'eau, l'utilisation des terres pour la production d’énergie renouvelable (impact sur la biodiversité), et les potentielles émissions de polluants atmosphériques durant le processus de production. Il est primordial de comparer l'impact global des carburants synthétiques à celui des carburants fossiles et des alternatives comme les biocarburants, en tenant compte de toutes les étapes du cycle de vie.

Aspects économiques et sociétaux

Le coût de production élevé des carburants synthétiques est un frein majeur à leur déploiement à grande échelle. Cependant, les progrès technologiques et les économies d'échelle promettent une baisse significative des coûts à moyen terme. Des estimations suggèrent une réduction de 50% à 70% du coût de production d'ici 2030, rendant ces carburants plus compétitifs face aux carburants fossiles, notamment grâce à l'amélioration de l'efficacité des électrolyseurs et au développement de nouveaux catalyseurs. L'évolution des prix de l'électricité renouvelable jouera également un rôle déterminant.

Le développement de l'industrie des carburants synthétiques stimulera la création d'emplois dans différents secteurs : production d'énergies renouvelables, ingénierie, construction, chimie. La coopération internationale est essentielle pour faciliter le partage des connaissances, harmoniser les réglementations et promouvoir le développement de technologies innovantes. L’acceptation sociale de ces carburants dépendra de la transparence sur leur cycle de vie et sur leur impact environnemental, mais aussi des efforts de communication et d'éducation pour informer le grand public.

Perspectives et défis futurs

L'amélioration de l'efficacité des processus de production, la recherche de catalyseurs plus performants et le développement de solutions de stockage d'hydrogène efficaces sont des axes de recherche prioritaires. L'intégration des carburants synthétiques au système énergétique existant nécessite une coordination avec les réseaux électriques et une gestion intelligente de la demande énergétique. Le développement d'infrastructures dédiées au transport et à la distribution de ces carburants est également un point crucial.

La collaboration entre les acteurs publics et privés, à l'échelle nationale et internationale, est indispensable pour accélérer le développement et le déploiement de cette technologie. L'établissement de normes et de standards communs est essentiel pour favoriser l’interopérabilité des technologies et la création d'un marché compétitif. Les carburants synthétiques, associés à d'autres solutions de décarbonation, ont le potentiel de contribuer significativement à la transition énergétique, particulièrement dans les secteurs où l'électrification est plus complexe.

Malgré les défis technologiques et économiques, les carburants synthétiques représentent une voie prometteuse pour réduire les émissions de GES dans le secteur des transports, contribuant à un futur énergétique plus propre et durable.